Notre mission: intervenir dans l’entourage global des jeunes en difficulté
La montée des tensions sociales, les problèmes de marginalité et les phénomènes de violence et de délinquance sont manifestations s’enracinent, n’est pas toujours pris en compte.
Comment traiter, sans la réduire, sans l’altérer, sans la déformer, la réalité de la construction identitaire complexe des adolescents? Peut-on développer des actions multidisciplinaires complémentaires en vue de participer à la fois au soutien des familles de ceux-ci, mais également directement avec eux ? Ceci n’est pas aisé, car la plupart de ces adolescents rejettent les différentes formes d’aide que les adultes veulent leur apporter.
Les réponses que l’on propose habituellement sont spécialisées et compartimentées : chaque intervenant sollicité intervient selon le champ de compétence qui lui est attribué. Bien évidemment, un travail en réseau est alors nécessaire et découle de ces actions spécialisées. Seulement, le travail en réseau est actuellement menacé par l’augmentation croissante des prises en charge individualisées, et la réduction du temps à consacrer pour chacune.
Or le travail en réseau est essentiel pour la collaboration entre professionnels. Il est essentiel pour une bonne articulation entre ceux-ci et donne un espace de discussion entre les différents intervenants. Le mythe du réseau est souvent celui du « nous sommes tous dans le même bateau et nous devons tous ramer dans le même sens ».
Cette compréhension est juste mais partielle, donc également un peu faussée, car elle est aliénante. Elle est juste dans le sens où effectivement chacun à sa place et doit assumer ses responsabilités : nous sommes bien tous dans le même bateau et il est attendu de nous que nous ramions. La question du sens est toute autre, car les professionnels doivent pouvoir s’adapter à l’évolution de la situation d’un adolescent qui est en mutation permanente: à l’image de l’océan dont la fréquence et l’orientation des vagues sont en perpétuel mouvement, l’environnement d’une situation l’est également.
Ramer dans le même sens est donc plus une histoire de destination à atteindre, qu’une histoire de chemin à emprunter pour y parvenir. De plus, la complexité s’accroît lorsque nous considérons que nous sommes nous-mêmes en tant que professionnels un élément variable de l’environnement du jeune. Il nous faut donc sortir des représentations simplificatrices de ce que doit être le travail en réseau, pour plutôt parler d’intervention dans l’espace relationnel global d’un adolescent en difficulté.
RESET s’adresse aux jeunes
Les problèmes, qui constituent le mal-être de certains jeunes, s’expliquent en partie par une accumulation de facteurs qui ne favorisent pas, voire empêchent leur épanouissement. Ceux-ci les rendent plus fragiles que d’autres pour affronter des risques sociaux et les peurs qui y sont liées, et peuvent se transformer rapidement en handicap:
- L’échec scolaire marque pour beaucoup l’impossibilité de s’inscrire dans une insertion sociale et professionnelle cohérente à moyen terme. Cela a généralement pour effet de créer des tensions dans la cellule familiale, et des craintes voire des angoisses concernant l’avenir de l’adolescent.
- L’absence d‘employabilité immédiate touche plus particulièrement ces jeunes qui ne possèdent pas ou peu de qualification professionnelle.
- Les crises familiales provoquent des souffrances aiguës pour certains jeunes. Des parents désemparés, un décalage entre les générations, parfois de la violence ou de la complicité vis-à-vis d’actes délictueux, sont tout autant de freins à la construction identitaire qui amène l’adolescent. Celui-ci a besoin de s’approprier d’une façon mature les règles nécessaires pour vivre dans un espace socialisé.
- Les conduites addictives: elles peuvent se traduire par des comportements alimentaires excessifs, la prise de produits toxiques (alcool, médicaments, cannabis à forte dose). Un terreau social fait d’ennui, de désœuvrement, de mise à l’écart est extrêmement favorable au développement de dépendances. De plus, la toxicomanie aggrave les souffrances psychiques des consommateurs. Ceux-ci tombent souvent dans le trafic (pour assurer leur consommation), et dans la spirale infernale du parcours de délinquants de plus ou moins grande envergure.
- Les difficultés liées à l’intégration ou à l’immigration. La situation de cette jeunesse désemparée, révoltée est souvent associée aux jeunes issus de l’immigration. Ceux-ci souffrent bien souvent de phénomènes d’acculturation, partagés entre deux cultures. Leurs représentants (familles et intervenants) se déchirent souvent mutuellement. La famille les décrit comme trop influencés par la culture du pays d’accueil. Ces jeunes ne parviennent pas à concilier leurs diverses appartenances et ainsi à s’intégrer dans leur culture d’accueil (qu’ils connaissent souvent depuis leur tendre enfance) tout en ne reniant pas leur culture d’origine.
- Des conduites à risque, notamment au niveau physique (dont l’exemple le plus fréquent est l’utilisation d’un véhicule sans avoir de permis).
- Des phénomènes de délinquance et de violence. Quelle peut être la vie quotidienne d’un jeune sorti du système scolaire sans diplôme ou avec un diplôme peu valorisant ? Ces adolescents se trouveront souvent alors sans activité et auront alors tendance à trainer à longueur de journée en ville? Ces jeunes se sentent alors frustrés, relégués en marge d’une société en panne de modèle intégrateur pour eux. Il est alors plus facile pour ces adolescents de se mettre alors directement en échec plutôt que de risquer de « jouer le jeu » ; un jeu qui leur semble vain ou riche en déceptions.
Ces facteurs vont renforcer une déchirure identitaire qui se manifeste par une vision négative tant d’eux-mêmes que du monde. Ceci peut engendrer une perte de sens chez ces jeunes qui sont alors plus à risque de se mettre hors-la-loi, capables de passages à l’acte sans raison apparente. Ces adolescents se sentent victimes de mépris de la part de la société et de ses représentants, et vivent dans un climat de violence larvée sans pouvoir envisager d’alternative.
Dans cette hétérogénéité relative de populations, se pause la question de la relation à l’autre, et plus particulièrement la relation entre les filles et les garçons. Celle-ci se pose d’une manière complexe et parfois dramatique. La difficulté de nouer des relations valorisantes avec l’autre sexe ressort fortement dans les attitudes et les propos des jeunes.
RESET: une nouvelle prestation à l’intention des jeunes et de leur famille
En se fondant sur ces constats, RESET - renfort socio-éducatif et thérapeutique - porte une attention particulière à ces jeunes en dés-errance de repères. Elle désire favoriser leur ancrage dans un projet de vie, socialement toléré. Le passage par Reset se veut, non une remise à zéro stricto sensu, mais une pause, une étape pour faire le bilan. Il lui permettra ensuite de construire sur des bases plus solides la relation du jeune avec la globalité de son environnement.
Notre priorité est la création d’un début de relation avec ces jeunes en évitant de nous figer dans une posture normative. La première étape consiste à aller à leur rencontre: une personne adulte et bienveillante s’intéresse à ce jeune qui se construit. L’adolescent bénéficiera de cet échange s’il se passe de façon ouverte et que ce dernier s’y sent reconnu. Nous chercherons ensuite à construire une relation éducative selon une approche globale. Celle-ci débute par la reconnaissance des capacités d’acquisition et d’apprentissage de l’adolescent (le discours éducatif s’inscrit dans le partage de sa propre expérience de vie avec l’adolescent et la confrontation avec celle-ci).
Modes d'intervention
Tandem éducatif et thérapeutique
La volonté du tandem éducatif et thérapeutique est d’agir sur l’état d’esprit du jeune face à ses difficultés. L’éducateur étant un soutien à la mise en œuvre de sa volonté de changement, le thérapeute un soutien au changement des représentations que le jeune a de son agir sur le monde. Ni l’un, ni l’autre ne sont premiers. Tous deux sont les deux facettes d’une co-intervention parfois nécessaire à la construction identitaire de ces jeunes malmenés par la vie. Cette double logique de RESET fait l’originalité et la pertinence de cette démarche socio-éducative.
Nous considérons qu’il est nécessaire de privilégier la présence physique des intervenants dans l’espace public pour tisser du lien social. La rencontre des adolescents les plus en risque de marginalisation ne peut que s’opérer par des actions de proximité qui se concrétisent par un « aller vers ». C’est à cette seule condition qu’une approche thérapeutique peut avoir lieu. Ces jeunes ont souvent déjà fait l’expérience de consultations psychologiques ou psychiatriques, qu’ils ont pour la plupart avortées, et qui leur ont laissé de mauvais souvenirs. L’éducateur participe ainsi toujours à la première séance, avec des thérapeutes avec lesquels il a l’habitude de collaborer.
Educateur et thérapeute sont constamment en relation, au su du jeune, pendant les trois premiers mois de prise en charge. Ce mandat peut être renouvelé, si nécessaire, pour assurer l’accrochage entre le jeune et le thérapeute. Ce dernier, pausera les premiers pas de la thérapie sur la reconnaissance, dont ces jeunes manquent cruellement. La consultation chez le psy constitue souvent chez ces ados, un nouveau témoignage de ce déficit de reconnaissance de la société à leur égard.
Nous souhaitons aussi, parallèlement à l’intervention thérapeutique:
- Renforcer la prévention des conduites à risques auprès des jeunes, de leurs familles et des institutions. Exemples : accompagner les parents pour les soutenir dans leur rôle éducatif et participer à l’intégration scolaire de ces adolescents avec les familles et les établissements scolaires (en se préoccupant notamment des questions de rupture, d’échec et d’absentéisme).
- Participer au repérage des situations à risque et intervenir directement auprès des personnes concernées. Ceci en proposant des liens inconditionnels et une recherche de relais. Exemple : guider les jeunes vers les dispositifs contribuant à leur insertion (loisirs, justice, emploi, formation, scolarité,…)
- Développer un travail de médiation sociale qui permet de réguler les tensions entre les jeunes et leur environnement. Ceci afin qu’une majorité des situations de violences et d’agressions puissent être évitées.
- Développer la notion de citoyenneté en permettant aux jeunes et à leurs familles d’exercer pleinement leurs droits et leurs devoirs. Cela passe aussi par un rappel de la loi et des règles de vie sociale. Ceci afin de replacer certains comportements dans une réalité de vie en société. Ces actions réunies sous l’appellation « Actions Citoyennes » peuvent être, entre-autres, des conférences-débats avec des intervenants spécialisés (par exemple sur les conduites addictives, la consommation de stupéfiants, la sexualité ou l’intégration).
RESET intervient donc dans le milieu de vie du jeune (principalement la famille et les réseaux autour du jeune), mais il s’est également doté de deux outils plus spécifiques qui ont pour objet de compléter le modèle d’intervention.